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samedi 9 août 2014

Urgence sanitaire à Gaza...

Deux tiers des habitants de Gaza seraient confrontés à des problèmes très sévères d’alimentation en eau.
FRANCK GALLAND / DIRECTEUR GÉNÉRAL LesEchos.fr
Au delà du sinistre bilan des victimes touchées par les bombardements, ainsi que les morts et blessés parmi les combattants des deux camps, le nouveau conflit qui frappe la bande de Gaza a des conséquences immédiates - et d’autres plus durables - sur l’alimentation en eau des populations.
L’opération « Plomb durci » avait déjà marqué les esprits par l’ampleur des destructions et des impacts sur la-déjà très fragile  alimentation en eau de Gaza. Suite à ces frappes de haute intensité, en septembre 2009, le Comité International de la Croix-Rouge soulignait la situation catastrophique de l’eau, tandis que l’Organisation Mondiale de la Santé dénonçait également le développement de maladies hydriques, comme l’hépatite A.
Dans le même temps, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement s’inquiétait de l’état de délabrement avancé de l’aquifère côtier qui alimente Gaza en eau, en raison d’infiltrations grandissantes d’eau salée et de pollutions toujours plus nombreuses occasionnées par le manque d’assainissement collectif et par une activité agricole utilisant bien trop de fertilisants. Les rejets en milieu marin d’eau souillée sont ainsi estimés par les Nations Unies à 90 000 m3 par jour. 90% des prélèvements issus de la nappe sont également jugés impropres à la consommation humaine, sans d’importants traitements préalables (1).
41m3 d'eau par an par habitant
Les précédentes opérations de Tsahal ont eu de lourdes conséquences sur les infrastructures en eau, qu’elles soient privatives ou collectives. Au lendemain de « Plomb durci », le CICR dénombrait plus de 30 kms de canalisations endommagées ou détruites, une dizaine de puits opérés par la municipalité de Gaza hors service, et des centaines de réservoirs sur les toits, hors d’état.
Avant ce nouveau conflit de l’été 2014 et l’opération « Bordure protectrice », Gaza souffrait déjà particulièrement de la pénurie d’eau, avec une ressource moyenne de 41 m³/an/habitant. Le service de l’eau était notoirement à un niveau insuffisant (ruptures de distribution, mauvaise qualité de l’eau distribuée, …), à tel point que beaucoup d’habitants de Gaza dépendent pour leur alimentation en eau de puits qu’ils ont forés. Ce sont ainsi 160 millions de m3 qui sont annuellement prélevés dans la nappe, d’après le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (2). La tendance continuant, cette nappe côtière ne sera plus praticable dés 2020.
Mais 2020 est loin, très loin, quand les bombardements continuent de tuer, de mutiler et de détruire. Le quotidien d’une famille reste aujourd’hui de se battre pour se procurer vivres et eau, peu importe sa provenance. Comme le relate le quotidien Haaretz en date du 27 juillet, 2/3 des habitants de Gaza seraient ainsi confrontés à des problèmes très sévères d’alimentation en eau (3).
Reconstruire
Il en va sans doute de même pour les hôpitaux. Déjà surchargés en blessés, comment peuvent-ils fonctionner avec des pénuries d’eau? Mission impossible vous diront les professionnels de l’urgence. Enfin, quelles seront à nouveau les conséquences sur la santé publique des dégâts actuellement causés sur les systèmes de traitement des eaux usées? A l’évidence, encore un peu plus de pollutions et une situation sanitaire explosive à redouter dans les prochains mois.
Quand les armes se seront tues, une nouvelle fois il faudra reconstruire. Les hommes de l’eau, palestiniens et israéliens, tenteront, comme toujours, de reconstituer patiemment un très fragile équilibre pour l’alimentation en eau et l’assainissement de Gaza.
N’oublions en effet pas que techniciens et ingénieurs des deux bords sont avant tout des professionnels, dont la mission passe avant les conflits que leurs responsables politiques engendrent. Mais, ils ne pourront se mettre à reconstruire sans un accord politique qui devra permettre un accès à l’eau durable pour les 2,1 millions de personnes qui peupleront la Bande de Gaza en 2020.
Celui-ci ne peut passer que par le dessalement, comme l’envisageaient les discussions qui ont eu lieu avant cette nouvelle crise. Un plan visait en effet à permettre la construction d’une station de dessalement de 500 millions de dollars, destinée à répondre à une demande en eau que la Palestinian Water Authority (PWA) estime à 260 millions de m3 en 2020, soit une augmentation de 60% par rapport aux besoins en eau actuels.
Il y a cependant aujourd’hui urgence pour Gaza. Quand une trêve sérieuse aura été rendue possible, il faudra utiliser tous les moyens techniques et technologiques disponibles pour produire de l’eau saine à partir de la mer, sans trop attendre une hypothétique station de dessalement. Ces moyens sont en particulier des stations mobiles. Véritables unités modulaires destinées à produire de l’eau potable depuis de l’eau salée sur une base de 5000 m3/j, elles ont été notamment choisies par la National Water Company saoudienne pour répondre à une situation critique d’alimentation en eau dans certaines parties de la capitale Riyadh.
Même logique de mobilité pour l’assainissement, dont les skids équipent par exemple des bases-vies en zone reculée.
Ces outils sont plus que jamais nécessaires à Gaza pour lui permettre une sortie de crise dans l’eau et l’assainissement.
1. Cité page 12 dans « Gaza in 2020. A liveable place? », rapport de la United Nations Country Team in the occupied Palestinian territory, août 2012.
2. « Water crisis will make Gaza strip 'unliveable' »,  John Vidal, The Guardian, 30 août 2012.
3. « 1.2 million Gazans suffering from disrupted water supply. Sewage flooding further threatens the water system racked by Israeli bombing », Amira Hass, Haaretz, 27 juillet 2014.
Franck Galland, directeur général d’Environmental Emergency & Security Services, cabinet d’ingénierie-conseil spécialisé en résilience urbaine et en préparation des opérateurs d’eau et d’énergie face aux crises majeures. Franck Galland a été directeur de la sûreté de Suez Environnement, et conseiller du Président pour les affaires méditerranéennes.

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