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jeudi 22 novembre 2012

Le Barrage Béni Haroun


Un management en deçà des enjeux
Le barrage de Béni Haroun est un grand complexe hydraulique stratégique en Algérie, situé dans la Wilaya de Mila au nord-est de l'Algérie. Le barrage de 120 m de hauteur, est le plus important et le plus grand barrage en Algérie avec une capacité de 960 millions de mètres cubes. Le barrage proprement dit est constitué d’une digue renforcée de 1,5 million de m3 de béton roulé compact.
Avec sa grande station de pompage d'eau brute, dont la puissance est de 180 MW, le barrage alimente en eau potable plusieurs régions limitrophes de la wilaya de Mila, notamment les wilayas de Jijel, Constantine, Oum el Bouaghi, Batna et Khenchela. Le barrage fournie également une quantité importante d'eau d’irrigation pour quelques centaines de hectares d'exploitations agricoles dans les régions voisines.  
Voilà cinq ans, le 18 novembre 2007 exactement, que l’eau de Beni Haroun coulait pour la première fois dans les robinets. En grande pompe, le président Bouteflika venait de mettre en service le barrage, le deuxième d’Afrique, source intarissable de la fierté algérienne et remède infaillible à la sous-alimentation en eau potable dont souffraient des pans entiers de la population de l’Est. Aujourd’hui, le système de transfert des eaux destiné à alimenter six wilayas de l’Est fonctionne en partie, en attendant la réception de l’infrastructure toujours en chantier. En dépit des satisfecit officiels et le marketing discursif qui glorifie les étapes, des points noirs entachent l’oeuvre et mettent en péril l’avenir de cette infrastructure. En effet, durant ce mois, la wilaya de Mila a été alimentée avec un plan B et ce n’est pas la première fois. Ce qu’on nous a caché, c’est que des pompes flottantes ont été dressées au barrage de Sidi Khelifa pour pallier la panne de la méga-station de pompage de Beni Haroun. Une énième panne qui suscite des interrogations sur la fiabilité des choix opérés. Le contrat qui lie le groupe français Alstom, fournisseur et gestionnaire de la station de pompage, et le gouvernement algérien, via l’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT), montre aujourd’hui plusieurs insuffisances au préjudice de la partie algérienne. Et ces erreurs ne manquent pas de provoquer des litiges. L’ANBT a suspendu, en effet, le paiement d’Alstom depuis novembre 2011 et durant presque une année à cause des réserves concernant le non-fonctionnement des deux pompes en même temps. Le plus grave est que ce contrat s’achève en 2017 et la société risque de quitter Beni Haroun sans avoir pu faire fonctionner les deux pompes en même temps, comme prévu.
QUI PILOTERA LES POMPES APRÈS ALSTOM ?
Du côté français, on explique cette option par la peur de provoquer un tsunami si l’on vient à mettre en marche l’ensemble de la station. Une dame cadre, qui n’a pas souhaité révéler son identité, affirme que les canalisations installées entre Beni Haroun et le  barrage de Sidi Khelifa (800 m d’altitude) sont d’un diamètre inférieur aux besoins et ne peuvent supporter la pression des deux pompes en même temps. D’ailleurs, en mai dernier, une catastrophe a été évitée de justesse suite à l’éclatement du canal. Notre source affirme aussi que ces conduites ont été placées par une société italienne et de façon provisoire. Pour y voir plus clair, nous avons tenté à plusieurs reprises de joindre Rachid Merghemi, directeur d’exploitation de la station de pompage pour l’ANBT, ainsi que la direction de l’agence, en vain. En privé, un autre cadre de l’ANBT a réfuté toutes «les allégations» de l’autre partie en soutenant que ces conduites obéissent aux normes.
Toutefois, notre source regrette que la partie algérienne n’ait pas droit de regard sur les aspects techniques de l’exploitation de la station de pompage. En tout cas, le contrat semble avoir été mal ficelé du côté algérien, en témoigne encore l’absence de clauses relatives à la formation du personnel. «C’est grave!», s’indigne un autre cadre de l’agence.
Une fois le contrat Alstom arrivé à son terme, c’est-à-dire dans cinq ans, les Algériens se retrouveront dans l’incapacité de faire fonctionner la station qui, faut-il le rappeler, est un prototype conçu spécialement pour Beni Haroun.
ABSURDE DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE
Last but not least, l’alimentation de la station en énergie électrique est devenue problématique et offre au fournisseur français des arguments solides pour défendre sa position. En effet, Alstom s’est plaint à plusieurs reprises de l’alimentation de son mastodonte énergivore, jugée insuffisante et source de problèmes. Les coupures intempestives, qui ont affecté le pays durant l’été dernier, n’ont pas épargné le système en dépit de la dotation d’un transformateur. La panne sérieuse, qui a mis hors service les pompes en août dernier, nécessitant le déplacement de M.Sellal, a été l’occasion d’exposer la situation. Néanmoins, le problème a été réglé provisoirement, et actuellement les pompes fonctionnent sans arrêt 10 jours par mois. Cette situation ne manque pas de susciter des interrogations sur la réticence du gouvernement à exploiter le barrage pour la production de l’électricité. La station consomme à elle seule 200 MW (l’équivalent de la consommation de Constantine-ville), et par ces temps de crise et d’incapacité de Sonelgaz à fournir régulièrement cette énergie, il paraît absurde d’ignorer l’option pour ainsi garantir à la station son autonomie énergétique et alimenter éventuellement les localités proches.
Lors de sa visite en août dernier, Abdelmalek Sellal avait promis le transfert des eaux de Beni Haroun vers les wilayas de Batna, Oum El Bouaghi, Khenchela et Tébessa dans un délai de deux ans. Même si les travaux avancent à une cadence remarquable et même si l’on prévoit la réception avant la fin de l’année des deux barrages intermédiaires d’Ourkis (Aïn Fakroun) et Bousiaba (El Milia), plusieurs cadres proches du dossier estiment que le système entier ne fonctionnera pas avant au moins trois ans. Mais la question qui s’impose aujourd’hui au vu des erreurs stratégiques apparues dans la gestion du dossier de Beni Haroun consiste à savoir si cet investissement, qui a coûté énormément à l’Etat et sur
lequel reposent les espoirs de pans entiers de la population, est à l’abri des menaces qui peuvent remettre en question sa pérennité. (Nouri Nesrouche)

voir ici l'article original publié sur le quotidien El Watan

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