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mardi 11 décembre 2012
Gestion déléguée des services publics de l’eau et de l’assainissement
Gestion déléguée des services publics de l’eau et de l’assainissement
Entretien exclusif de Karim HASNI, directeur général de l’Office national de l’assainissement pour le magazine électronique El-Djazaïr.com
Le magazine El Djazaïr.com m’a déjà fait l’honneur et le plaisir, l’année passée, de m’accueillir dans ses colonnes.
Il le fait encore aujourd’hui, et je l’en remercie, sur un thème sensible qui a pour intitulé « la gestion déléguée des services publics de l’eau et de l’assainissement ».
Je rappellerai à ce sujet et en préambule que c’est en vertu de la loi n°05-12 du 4 août 2005 et notamment de ses articles 104 et 105, que l’Algérie, par le canal des EPIC EP Algérienne des eaux et l’Office national de l’assainissement (ONA), directement pour Alger (Seaal) et indirectement par des filiales créées à cette fin (SEOR pour Oran, SEATA pour Annaba-Tarf et SEACO pour Constantine), a ouvert la distribution de l’eau et la gestion et l’exploitation de l’assainissement à ce qui est « improprement » appelé le « partenariat public-privé » ou « les 3P ». Ce concept a été « importé » à l’initiative d’experts de la Banque mondiale et réserve à l’entreprise privée internationale une place privilégiée.
Pour lever, sur la question, toute équivoque, les SPA mises en place sont constituées à 100% de capitaux publics algériens. C’est dire que les opérateurs appelés à intervenir à raison de leur expérience managériale ne courent aucun risque et ne peuvent dès lors se prévaloir du controversé « AMI » (accord multilatéral sur l’investissement), ce qui n’était pas auparavant le cas avec le régime de la concession.
Ceci souligné et pour revenir à notre thème, je ne m’attarderai que sur le contrat de management conclu avec Suez Environnement (société du groupe français GDF- Suez), pour une double raison :
- d’abord parce que Suez Environnement a une envergure internationale et une expertise connue et reconnue. Et en dépit d’un déclin de ses parts de marché dans son pays d’origine (France) et en Allemagne notamment, il demeure un des leaders mondiaux des secteurs de l’eau et de l’assainissement ;
- et ensuite parce qu’en Algérie, c’est lui qui a inauguré les 3P et c’est lui aussi qui a été le premier à obtenir le renouvellement de son contrat de management.
Et c’est cette première expérience (5,5 ans) reconduite pour 5 autres années que je voudrais provisoirement et objectivement « feed-backiser ».
Ce serait a priori à l’évidence une lapalissade de dire que le recours à un « mastodonte » du gabarit de Suez Environnement est motivé par le besoin d’acquérir un savoir-faire stratégique et d’organiser l’alimentation en eau potable en continu (H24).
C’est pour satisfaire ces deux motivations et avec des exigences excessives de l’opérateur (700 000 m3/j d’eau et des investissements avoisinant 60 milliards de dinars), que le premier contrat déployé, du 1er mars 2006 au 31 août 2011, a été conclu et c’est pratiquement pour des raisons identiques et dans la continuité que le contrat a été renouvelé avec comme objectifs fondamentaux de sécuriser, de conforter et de pérenniser le H24 et les systèmes de gestion mis en place ainsi que l’optimisation de la consommation d’énergie, des coûts et charges et la valorisation des sous-produits de l’assainissement.
Ce serait ici aussi une lapalissade de souligner que ces objectifs fondamentaux ne peuvent qu’être adossés à un transfert effectif du know-how appropriable et assimilé par l’encadrement algérien. C’est à cette seule condition que les binômes pourraient s’affranchir concrètement et contractuellement de l’assistance étrangère.
Qu’en est-il aujourd’hui, après 15 mois de mise en œuvre du contrat renouvelé ?
J’avoue, et malgré mon optimisme, que j’ai beaucoup d’appréhensions surtout après « l’autosatisfaction » et la « langue de bois » que véhicule l’opérateur, à travers une « com’ » qui mérite d’être mieux déclinée dans les sphères où elle serait plus utile (économie de l’eau, notamment).
Ces appréhensions sont évidemment fondées et se fondent sur des analyses et commentaires que je n’ai cessé de porter à l’attention des dirigeants de Suez Environnement, au nom des actionnaires et en ma qualité d’ex-président du Conseil d’administration de SEAAL.
L’appréhension principale gravite et est régulièrement interpellée par le transfert du savoir-faire, qui peine à se construire et à rassurer.
Déjà, et dès la première année de l’engagement du contrat de base, le Conseil d’administration de SEAAL, par résolution du 29 octobre 2006, attirait l’attention sur « la nécessité d’installer les binômes » et prenait acte de la désignation d’un directeur général adjoint (expatrié), chargé du transfert du savoir-faire.
Le 29 décembre 2009, le directeur général (délégué de Suez Environnement) de SEAAL est de nouveau requis pour « réfléchir aux méthodes les plus efficaces pour organiser la relève (des expatriés), par les binômes ».
Cette question a fait également régulièrement l’objet de résolutions de l’Assemblée générale ordinaire, appelant SEAAL à intensifier le transfert du savoir- faire et « à faire en sorte que les mécanismes opératoires, à travers des évaluations pertinentes, permettent de jauger du développement effectif dudit transfert, lequel doit obéir aux standards de performance internationaux » La résolution de l’AGO de juin 2010 était plus explicite : « SEAAL est mandatée d’organiser la relève des expatriés. »
A la suite de la pression des actionnaires et de leur mandataire, l’opérateur a finalement consenti à mettre en place, en rapport avec le TSF 02 indicateurs, l’un portant sur «les règles de base» et le second sur «la maîtrise des métiers». Ce dernier noté sur 6 (niveau international) affichait jusqu’à mai 2009, une courbe anticipative plafonnée à 3, signifiant explicitement que le standard universel était hors de portée des compétences nationales. Un bureau d’études, sous-traitant de Suez Environnement, est même allé très maladroitement et de façon irresponsable jusqu’à considérer que la compétence était indexée sur le contexte socio- culturel et conséquemment, il a programmé pour les postes de direction attribués aux Algériens, une déperdition de l’ordre de 40%.
C’est dire que durant le premier contrat, Suez Environnement a montré peu d’enthousiasme à individualiser le transfert du savoir-faire, et à ce jour et malgré les rappels, aucune installation des binômes n’a eu lieu.
De plus, le nouveau contrat prévoit « l’autonomisation » (des postes de direction) à partir de la quatrième année et la question que les actionnaires se posent est de savoir comment cette autonomisation peut intervenir, si les cadres supérieurs algériens (binômes) devant la gérer et l’assumer ne sont pas préalablement identifiés, ni évalués périodiquement et accompagnés par des « mentors » compétents, pour qu’in fine, à la date contractuelle fixée, ils s’approprient le savoir-faire transféré.
Dans cette logique, l’autonomisation ne peut être qu’une résultante et le processus qu’elle déclenche et qui lui succède n’a qu’un caractère probatoire et sert à apporter les « aménagements » et autres compléments de savoir-faire qui seraient éventuellement requis.
C’est une question centralement stratégique et elle ne peut pas, à l’examen de la situation actuelle, ne pas susciter d’inquiétudes.
Et ce n’est malheureusement pas la seule.
Ainsi les actionnaires ont été surpris d’enregistrer, parmi les CV des expatriés, des « experts métiers » qui n’avaient aucune expérience probante et qui de surcroît ont suivi une formation universitaire, sans aucun rapport avec l’eau et l’assainissement.
Certains candidats « experts » ne disposent que d’un diplôme de technicien ou de technicien supérieur.
Un ex-directeur général de SEAAL (délégué de Suez Environnement) avait même envisagé « d’importer » des « plombiers », au titre de l’assistance technique.
Le même commentaire vaut pour certains directeurs qui s’auto-évaluent, sans qu’ils en prennent conscience, à travers paradoxalement des indicateurs de « contre-performance ».
C’est dire que le mode de sélection de certains experts et managers ne favorise aucunement l’attribution du statut de «mentor», pour la simple raison qu’on ne peut pas transférer un savoir-faire qu’on ne possède pas. Et sur ce point précis, il est surprenant de constater que certains managers n’étaient pas imprégnés de l’esprit « Kaizen » et qu’ils le découvraient, à travers leur expérience algérienne.
Mais au-delà des particularités citées, c’est la démarche et la volonté globale d’organiser la relève des expatriés par des binômes algériens qu’on ne veut pas installer, qui fait défaut et qui pose réellement problème (13 mois se sont déjà écoulés, sans que le TSF ne s’organise et ne progresse concrètement, en s’éloignant des généralités).
On ne peut par ailleurs que rester perplexe devant la « difficulté » de l’opérateur à dépasser l’audit « blanc » de la certification ISO, alors que l’ONA projette de porter en 2014 l’ISO 14001 version 2004 à 18 sites en plus de l’ISO 17025 pour son laboratoire central et 9001 version 2008 pour son centre de formation, contre 10 actuellement référencés.
On est aussi perplexe de voir les systèmes tels que le système d’information clientèle (SIC), le système d’information de la gestion des ressources humaines (SIGRH), la télécontrôle, le système de modulation, sous-traités alors que le siège de Suez Environnement dispose de structures et d’organes performants comme les CTM, recherche et innovation, ainsi que de progiciels de référence.
Comme on est également perplexe devant l’absence d’une formation suffisante et confirmée de « maintenanciers » pour les systèmes mis en place. Notre interrogation porte concomitamment sur le peu d’intérêt accordé par Suez Environnement à l’adaptation et à l’extension des systèmes d’information.
Comme enfin, on trouve absconse l’absence d’un plan de sauvetage de SEAAL alors que celle-ci est exposée à l’application à son endroit (dissolution) de l’article 715 bis 20 du code de commerce.
En effet, aucun programme concret et chiffré n’est affiché en matière d’optimisation de la consommation d’énergie, ni de maîtrise de la gestion des ressources humaines (4667 personnes en octobre 2011 pour Alger contre 3877 en 2006), ni d’économie de l’eau (1 045 000 m3/j en septembre 2012 ou une consommation per capita de la wilaya d’Alger supérieure à celle de Paris), ni de valorisation des sous-produits de l’assainissement, ni d’élargissement significatif du chiffre d’affaires.
Dans le même ordre, aucun mécanisme ni mode opératoire ne sont conçus et mis en œuvre pour garantir la sécurisation et la pérennisation du H24, la modernisation de la gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement et le confortement et le développement des systèmes mis en place.
Il s’agit en résumé de nos principales appréhensions, celle ayant trait au transfert du savoir- faire est la plus critique.
Les actionnaires et leur mandataire souhaitent sincèrement que les commentaires et analyses effectués soient pris en charge par Suez Environnement et que celui-ci fasse son « introspection » et rétablisse la visibilité de ses interlocuteurs, par des actions et mesures concrètes et significatives.
Le succès du partenariat que les contractants appellent de leurs vœux est à ce prix et passe à l’évidence par un soutien probant efficace et efficient du potentiel du siège de Suez Environnement et de ses principaux décideurs.
l'article original ici
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